Incertitude & Expatriation

 L’incertitude renvoie à l’état de ce qui n’est pas fixé d’avance, certain, assuré. Dans l’expatriation, l’incertitude s’invite tout au long de la mission, bien avant le départ, et jusqu’à l’impatriation. 
En psychologie, l’incertitude est considérée comme un sentiment pouvant se manifester dans différentes sphères de notre vie, et pouvant parfois nous conduire à expérimenter une forme de stress ou d’angoisse. L’incertitude vient nous confronter à tout un tas d’informations sur nous, tels que nos habitudes, nos croyances, nos doutes et nos peurs. Elle vient bousculer nos impulsions de maitrise, et de contrôle.  Elle est à notre quotidien, ce que la tempête est au marin. Et si cela peut apparaitre aussi inconfortable, c’est parce qu’elle éveille en nous un processus de changement qui peut être choisi, ou subi, appréhendé ou envahissant.

Nombres de chercheurs se sont intéressés au rôle de l’incertitude dans l’expatriation de par son omniprésence dans toutes les sphères de la vie des expatriés. S’expatrier, par définition c’est changer.  C’est se confronter à la nouveauté, à l’inconnu, à l’incertain. C’est sauter à pieds joints dans le cylone de l’incertitude, pour en rejoindre potentiellement la douce magnificence de son œil, une magnificence jamais expérimentée auparavant.
Dans son étude, le chercheur Osland (2000) a reporté que les expatriés qualifiaient leur départ  comme « un sentiment d’étrangeté, d’incertitude, d’ups and downs, de questionnement de son identité, de ses valeurs, un sentiment d’apprentissage intense et accéléré, un sentiment de déracinement familial sans garantie que tout un chacun pourrait s’y adapter ». L’absence de garantie est justement le propre de l’incertitude qui se manifeste dans l’expatriation. 

L’incertitude va se manifester à différents niveaux, notamment via : 

🎌 Les caractéristiques du pays d’accueil tels que  les aspects politiques, sociales, et économiques.

📉 Les caractéristiques de la mission et de l’entreprise : La mission et les attentes de l’entreprise pouvant parfois être défini avec manque de clarté ou de manière imprécise, ceci pouvant grandement jouer sur le sentiment d’efficacité personnelle du salarié. Aussi, il apparait que l’entreprise elle-même peut être impacté par l’incertitude du contexte socio-politique dans lequel elle s’est implanté. 

🌍  Les interactions interculturelles. Gullahorn et Gullahorn (1992), deux chercheurs américains ont notifié que l’incertitude éprouvée par les expatriés vient notamment du fait qu’ils ne savent pas quels comportements adoptés dans ce nouvel environnement. Ils ne savent ce qui est acceptable ou non. Ils peuvent avoir peur de mal faire, ou de ressentir de la honte à travers les comportements qu’ils adopteront. Et cette incertitude dans les interactions sociales peut même conduire à une forme de mini paranoïa, où les expatriés ressentent qu’ils ne sont pas le bienvenu dans la communauté d’accueil, qu’ils en sont exclus ; ceci s’alimentant d’autres part. 
Il apparait donc que cette incertitude est centrale dans la manière dont les individus vont mener et vivre leur mission à l’étranger. Par exemple, nombre d’études soulignent l’incertitude du contexte politique et sociale comme facteur « d’échec » d’une mission d’expatriation. 

Waterman (1990) thèorise la notion de « sensemaking » (donner du sens) comme la manière dont des individus vont structurer l’inconnu de manière active. Les expatriés vont s’engager dans un processus de réflexion complexe afin de conférer des scripts déjà connu à de nouvelles situations. La manière dont les individus vont donner du sens à leur expérience à l’étranger va grandement influencée la manière dont ils vont vivre cette expérience, et dont ils vont s’adapter à leur nouvel environnement. Aussi, pour donner du sens à cette expérience, les individus vont être influencés par 4 facteurs principaux (Louis, 1990) : 

🤸 Leurs caractéristiques individuelles, tel que leur empathie, leur confiance en soi, leur degré d’initiative, d’intelligence, ou encore, les compétences communicationnelles dont ils disposent. 

🗣️ L’influence de leur entourage

🌐 Les schémas de compréhension de la culture d’accueil, influencés notamment par l’accès aux formations interculturelles, la supervision, et le mentoring dont ils bénéficient

⌛ Leurs expériences passées : Il apparait par exemple que les personnes faisant face à leur toute première mission d’expatriation pourront être plus en proie aux doutes que des personnes ayant vécus plusieurs missions. Ces derniers pourront réduire l’incertitude éprouvée en calquant la compréhension de ceux qu’ils vivent, et des phases d’adaptation, de ce qu’ils ont appris des précédentes expériences. 

Dans la continuité de toutes ces études, il apparait essentiel pour toute personne résidant hors de son pays de se questionner sur le sens qu’elle confère à son expérience à l’étranger, et surtout, sur le sens qu’elle souhaite donner à cette expérience. Notre réalité étant grandement influencée par les représentations que nous en avons, il apparait primordial de connaitre ces représentations afin de les appréhender au mieux, et de dessiner leurs contours aux grés de nos aspirations profondes.

TIPS pour appréhender au mieux l’incertitude : 

 🧠 En prendre conscience est la première étape. Identifier les sources d’incertitudes dans cette vie en mouvement, et repérer les peurs sous-jacentes auxquelles elle nous confronte.

🧘🏾‍♂️ Mindfulness ou pleine présence. En étant présent autant que possible dans l’instant, et attentif aux petits bonheurs du quotidien, on laisse couler la rivière de ses angoisses. 

🌳 L’acceptation. En s’engageant dans une expérience à l’internationale, on rencontrera des buissons d’incertitude tout au long du chemin. C’est inévitable. Avoir conscience de cela avant le départ peut permettre d’adopter une posture différente lorsque ces évènements se présentent. Aussi, toute expérience humaine présente sont lots d’inconforts, et c’est ce qui nous rend pleinement humain.

💬 Parlez-en autour de vous. Ne laissez pas cette boule d’incertitude grandir jours après jours dans votre plexus solaire. Parlez-en à des proches qui seront en mesure de vous tendre une oreille bienveillante, et qui vous indiqueront comment l’incertitude tamise également leur quotidien, et comment ils y vont face.

😎 Sinon, rejoignez-nous pour un week-end bien-être psychologique dans votre pays de résidence, où l’on fait valser le poids de l’incertitude à travers la force du collectif : c’est par ici. 

Et rappelez-vous, que l’incertitude fait partie intégrante de la vie. Elle est la vie.  

Bibliographie:

Osland, J. (2000). The expatriate experience: An unexpected adventure. Organizational Dynamics, 29(4), 303-318.

Gullahorn, J. T., & Gullahorn, J. E. (1992). An extension of the U-curve hypothesis. Journal of Social Issues, 19(3), 33-47.

Louis, M. R. (1990). Surprise and sensemaking: What newcomers experience in entering unfamiliar organizational settings. Administrative Science Quarterly, 25(2), 226-251.

Waterman, R. H. (1990). Adhocracy: The Power to Change. Whittle Direct Books.